Généalogistes de France alerte sur les risques de la proposition de loi relative à la recherche successorale

Déposée au Sénat le 6 juin 2025, la proposition de loi relative à la recherche successorale prévoit de modifier en profondeur le cadre actuel d’exercice de la profession de généalogiste : fin du contrat de révélation, barème de rémunération imposé, gestion des fonds confiée au notaire, révélation des droits sans consentement.

Généalogistes de France, organisation représentative de 95 % de l’activité du secteur, alerte sur les effets négatifs de ce texte, qui remettrait en cause un modèle protecteur fondé sur la liberté contractuelle, la rémunération au résultat et des garanties strictes. Loin de renforcer les droits des héritiers, il risquerait d’alourdir les procédures, d’augmenter les coûts, et de priver les successions les plus complexes d’un accompagnement professionnel adapté.

Généalogistes de France rappelle les fondements de son modèle et les risques majeurs posés par la proposition de loi.

  1. Une profession encadrée et structurée

Les généalogistes successoraux sont des acteurs indispensables à la sécurité juridique des successions complexes. Dans 5 à 10 % des cas, les notaires font appel à eux pour identifier les ayants droit inconnus. Environ 10 à 15 000 successions font chaque année l’objet d’un mandat de recherche, pour plus de 100 000 héritiers retrouvés.

Depuis 2017, la profession s’est dotée d’un dispositif d’auto-régulation exigeant, en lien avec la DACS et le Conseil Supérieur du Notariat avec qui Généalogistes de France a formalisé une convention de partenariat en 2024.

Il impose des garanties strictes : compte de tiers ou fiducie, garantie financière à l’euro près, contrôle annuel indépendant des fonds clients, code éthique, recours au médiateur de la consommation, et conformité au droit commun (consommation, civil, jurisprudence).

  1. Le contrat de révélation, pilier de l’équilibre contractuel

Le contrat de révélation garantit que les généalogistes ne sont rémunérés qu’en cas de succès. Il protège la liberté contractuelle des héritiers et leur permet de refuser la mission ou de contester les honoraires.

Il est encadré juridiquement (Code civil, Code de la consommation, jurisprudence constante), et les litiges sont rares et majoritairement réglés par médiation (92,5 % de réussite en 2024).

Ce modèle aligne les intérêts entre généalogistes et héritiers, permet une péréquation entre dossiers simples et complexes, et sécurise l’accès aux droits pour tous, y compris les héritiers les plus éloignés ou modestes.

  1. Une proposition de loi contre-productive

En instaurant une rémunération obligatoire fondée non plus sur le résultat, mais sur le seul mandat, la proposition de loi rompt cet équilibre :

  • Elle impose un paiement automatique sans contrat préalable, contrevenant au principe de liberté contractuelle (article 1102 du Code civil).
  • Elle prive l’héritier de tout recours ou pouvoir de négociation.
  • Elle instaure une forme de rente légale, y compris lorsque l’intervention du généalogiste n’est pas nécessaire.

Par ailleurs, le barème unique fixé par décret ignore les disparités de complexité et de géographie entre les successions : un dossier traité à l’international ne saurait être rémunéré comme un dossier local. Cela décourage les missions longues ou coûteuses et pénalise les héritiers géographiquement éloignés.

  1. Un risque fiscal, juridique et opérationnel pour les successions

Le texte prévoit de rémunérer le généalogiste si aucun acte de notoriété n’a été établi deux mois après le décès, déresponsabilisant de fait les notaires et alourdissant leur charge.

En l’absence de mandataire, la gestion des indivisions complexes devrait être assumée par des administrateurs judiciaires, renchérissant les coûts et allongeant les délais.

Ce système accroît aussi le risque fiscal pour les héritiers, exposés aux pénalités en cas de retard dans la déclaration de succession (0,2 % d’intérêt par mois, majoration de 10 à 40 %).

  1. Le cadre en vigueur est nécessaire, utile et reconnu

Le modèle actuel, fondé sur le contrat de révélation et les garanties des membres de GF, répond déjà aux préoccupations de la proposition de loi.

  • Nécessaire : Les généalogistes répondent à un besoin d’intérêt général en permettant aux héritiers de faire valoir leur droit et d’accéder à leur succession.
  • Utile : Ils apportent sécurité juridique et financière, s’engagent à traiter tous les dossiers et ne sont rémunérés qu’en cas de succès.
  • Reconnu : Les faibles taux de litiges et la collaboration constante avec le ministère de la Justice (DACS) et le Conseil Supérieur du Notariat attestent de la reconnaissance de la profession et de ses garanties.

La suppression du contrat de révélation aurait des conséquences graves sur la protection des ayants droit (absence de négociabilité, de recours contractuels).

Le modèle de rémunération permet de mener à bien des recherches complexes et de prendre en charge toutes les successions, y compris les moins rentables, dans un modèle de péréquation solidaire.

Imposer un barème fixe par décret créerait une rigidité inadaptée, découragerait les professionnels et la concurrence, et risquerait de laisser de côté les dossiers moins rentables, y compris ceux des Français les plus modestes. En remettant en question cet équilibre, la proposition de loi risque d’encourager la déshérence, au détriment des héritiers et de l’intérêt général.